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Jours de paille

11 janvier 2006

les champs verts de l'absinthe

Café de la Comédie il est sept heures du soir et je suis à dix-neuf ans déjà toutes les vieilles qui lisent ou qui raturent sur des feuilles leur vie et leurs pensées, sur une table solitaire. Dès que j'y vais le serveur du Wepler me demande "Vous ne veniez pas avec une amie autrefois ?" "Nous nous sommes disputées." Si, je venais avec une amie, je venais avec des amies mêmes, et avec mes amis parfois. Autrefois j'avais seize ans, dix-sept ans, dix-huit même, pourquoi appelez-vous l'an dernier "autrefois" ? Je sais de quelle amie vous parlez, c'est la brune si belle et silencieuse, qui m'attendait des heures le soir, repoussant les coupes de champagne que lui offraient ses voisins. Ou bien était-ce la brune rieuse et bavarde avec ses jupes et ses chapeaux, ses sacs et ses boucles, qui me rejoignait là durant les pauses quand je séchais les cours ? Maintenant elles ne viennent plus et je préfère rester seule à les attendre ici en sachant qu'elles ne reviendront pas. "Il ne faut pas être comme ça, on dirait qu'il  t'es arrivé quelque chose dont tu ne  t'es jamais remise, tu es là à penser à rêver, absente ailleurs dans la lune, tu ne vois rien n'entends rien, mais enfin tu es belle, il faut vivre" et je finis par déguerpir tandis qu'il me poursuit avec des olives "mange tu ne manges jamais il faut manger c'est bon".

Non elles ne viendront plus elles ne veulent plus me voir, et moi je suis bien seule laissez-moi seule ici. Je suis bien ici, dans ce lieu qui n'est pas vraiment ce lieu, dans mes songes mes pensées mes souvenirs mes rêves, dans la fumée de ma cigarette et le brouillard de ma tête. Laissez moi devant mon verre de brouilly coquelicot solitaire et déraciné, laissez-moi me saouler et ne me saoulez pas avec vos réprimandes, je réussis si bien à me gâcher la vie toute seule.

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10 janvier 2006

La clef des champs la clef des songes

Je voulais vraiment aller en cours ce matin, mais je ne sais pas pourquoi je me suis retrouvée à vider mon paquet de clopes dans un café. Une fille que je n'avais pas vue depuis un an et qui traînait là aussi est venue me parler, j'ai réservé des places pour le théâtre la semaine prochaine, j'ai pris un bus au hasard et je me suis invitée à manger chez une amie. Je suis allée au cinéma j'ai oublié le film, j'ai traîné encore et encore dans des cafés puis je suis allée me faire un certificat médical. J'ai maté des types dans le bus et j'ai failli pleurer en passant devant le café Ruc sans même savoir pourquoi, en fait je ne sais rien et pourquoi et pourquoi, pour passer et dépasser le temps, il faut bien que jeunesse se passe, il faut bien que jeunesse casse. Le Café Banal n'existe plus, où irai-je désormais quand je taxe 1,50 euros dans la rue. Ce ne sont pas aux cours que j'essaye d'échapper, c'est à la vie tout court. Je traîne et je dérive en l'absence de moi-même, je mets ma vie en pause et je m'en vais ailleurs, et je ne m'en vais nulle part. Ce n'est plus l'école buissonnière c'est la vie buissonnière.

9 janvier 2006

Secte prépaïenne

"Les bons et les justes" répète Sofia toute la journée. Est-ce le châtiment de notre âge ou de nos ambitions, que de nous parquer dans cette classe avec ces vaches meuglantes ? Sofia appelle cela de l'esprit potache de ma part, quand je m'énerve contre le troupeau transparent et grisâtre de nuages dans la classe. Elle radote son Nietzsche dans son coin de vide, nous rongeons les angles près du radiateur, Vincent n'arrête pas de me raconter qu'il connaît plus de créateurs de mode que de peintres et que sa mère fait de la très bonne paëlla. Je me suis vautrée au concours blanc il faudra que j'arrête les lexomils mais en attendant j'ai besoin de me mettre sur pause. Je l'ai retrouvée Quoi ? L'éternité, c'est l'eau s'en allant avec mes cachets. A peine repris les cours que déjà j'envisage de creuser un terrier sous le parquet de la salle pour fuir. Envie de vomir besoin d'une clope et puis d'un lit. Les bons et les justes trouveraient que cela fait mauvais genre.

9 janvier 2006

Clémence la nuit

Clémence dans son écharpe bleu ciel elle qui ne doit jamais voir le ciel quand il est bleu. Pré noir frissonnant de vent cette nuit le ciel claque comme un drapeau détrempé sur la ville il est l'heure que nous sortions. Nous avons terminé une bouteille et les bières que j'ai ramenées, nous avons vidé la salle de bain et nous nous sommes maquillées comme des gamines de douze ans. Nous ressemblons à des travs et nous décidons de nous renommer Contessina et Priscilla. J'ai l'impression d'être un vampire en chasse quand nous sortons enfin de l'immeuble mais nous semblons plutôt poursuivies par je-ne-sais-quelle malédiction qui nous empêche de rester chez nous le soir et nous pousse en errance dans la nuit parisienne. Nous sommes ridicules un peu ivres et nous hésitons comme si nous n'allions pas toujours dans les mêmes bars.

Le Pop-In atmosphère d'entrepôt j'ai envie de repeindre les murs dans de jolies teintes pastels la bière est fade et Clémence essaye de me faire tomber dans les bras de son mec de la soirée. Elle le harcèle de "ma copine elle n'a pas vingt ans, cela te plaît hein ?" et finalement je la perds sur le trottoir à la fermeture, je me suis énervée contre eux deux je n'ai plus de clopes et j'ai le vague sentiment de n'avoir rien compris. Clémence alterne entre une étrange crise d'adolescence de la post-trentaine, une jalousie déplacée et sa beauté inutile dans ces ambiances de types saouls qui ne la regardent pas, qui ne l'écoutent pas. Je vais au Truskel avec des types, je ne sais absolument pas qui, je traîne là-bas avec eux et discute avec les uns et les autres successivement sans les différencier, lorsque je pars je ne connais le prénom d'aucun mais au moins ce matin je rentre chez moi et je n'ai perdu que mes gants.

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